vendredi 31 mars 2023

Le combat pour le sens et la portée de la liberté académique

 

Nous avons exposé en quoi la liberté académique était insuffisamment garantie au niveau national, et pourquoi il fallait invoquer le droit européen pour la faire pleinement respecter en France.

Au niveau européen, c’est l’article 13 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne qui est le principal fondement de la liberté académique parce qu’il la défend expressément et complètement, alors qu’elle n’apparaît que de manière plus incomplète et plus implicite dans le reste du droit européen.

Toutefois, si cet article 13 proclame que « la liberté académique est respectée », il ne la définit pas, et ne renvoie pas à un autre traité international en ce qui concerne la définition, le sens et la portée de la liberté académique.

Il existe d’autres instruments européens et internationaux concernant le sens et la portée de la liberté académique, mais il ne s’agit que de recommandations, de résolutions ou de communiqués, qui n’ont pas par eux-mêmes de portée juridique contraignante. Ayant à trancher un litige dans lequel la Commission de l’Union Européenne attaquait la Hongrie notamment pour violation de la liberté académique, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a dû aller puiser dans ces recommandations, ces résolutions, et ce faisant leur a conféré une portée juridique contraignante.

La CJUE a notamment pris en considération la Recommandation de l'UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur (1997), qui est la plus complète et la plus protectrice en matière de liberté académique pour les enseignants du supérieur. Cette Recommandation de l'UNESCO est également la plus légitime en matière de définition du sens et de la portée des différents aspects de la liberté académique, puisqu’elle a fait l’objet d’un très large consensus, comme l’ont relaté ceux qui en ont exposé la genèse ( (cf. les §§ 15 et 52 de la réclamation 211/2022). Cet arrêt de la CJUE constitue donc une avancée capitale en matière de liberté académique, mais requérant un savoir-faire juridique aguerri pour être exploitée de manière efficace.

Diverses associations et ligues d’universités représentées par leurs seuls présidents disent vouloir renforcer la liberté académique, mais on doit hélas constater que l’autonomie qu’elles préconisent visent davantage à renforcer les prérogatives de leur présidents sur leurs enseignants et chercheurs qu’à garantir ces derniers contre l’emprise de leurs gouvernements. C’est pourquoi quand elles considèrent que cet arrêt de la CJUE « a clairement montré qu’il fallait une base légale pour combattre les attaques contre la liberté académique à l’intérieur de l’Union Européenne » (« The well-known case of CEU has clearly shown that there is a need for a(n EU) legal basis for legal actions to fight attacks on academic freedom, also within the European Union »), il faut bien comprendre :

- qu’une telle base légale, si elle ne résulte que de présidents d’université, sera bien moins favorable aux enseignants des universités que la Recommandation de l'UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur en matière de liberté académique

- qu’il ne faut donc pas se contenter d’attendre qu’une telle nouvelle base légale soit adoptée, mais agir au niveau européen pour que cette base légale nous soit le moins défavorable possible, notamment par des actions en justice et des « questions préjudicielles » pour consolider la jurisprudence de la CJUE en matière de liberté académique au lieu de la priver de ses effets potentiels pour l’avenir.

Au niveau français, seul QLAC peut y parvenir, et il faut agir vite, aussi faut-il que suffisamment de professeurs d’université acceptent d’être candidats sur sa liste pour les élections au CNESER

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