mardi 28 mars 2023

La Liberté Académique a besoin d’un Avocat au CNESER

 

Ce qu’aux niveaux européen et international on appelle « liberté académique » ou « libertés académiques » est plus que jamais en danger en France :

- par la tendance à réduire l’aspect collectif (institutionnel et organisationnel) de la liberté académique des enseignants universitaires (l’autonomie de ces établissements) à la participation à l’élection des présidents d’université et directeurs d’instituts ou de grandes écoles

- par l’accroissement démesuré de la proportion des personnalités extérieures dans les conseils d’administration des universités, grandes écoles et instituts, bien au-delà ce qui est nécessaire et utile pour adapter les enseignements et la recherche universitaires aux savoir-faire et aux compétences requises des futurs diplômés aux futurs emplois des entreprises et administrations ; ce qui constitue donc en vérité une mise sous tutelle d’établissements universitaires censément autonomes

- par des privilèges et des pouvoirs exorbitants sans contrepoids conférés par la loi aux présidents d’université et directeurs d’instituts ou de grandes écoles ; ce qui a conduit à une insupportable et inefficace « managérisation » de l’enseignement supérieur et de la recherche, et au plus grand arbitraire en matière de recrutement et de renouvellement de contrat des personnels contractuels d’enseignement et de recherche, qui ne peuvent donc pas jouir dans les faits de la liberté académique individuelle (indépendance et liberté d’expression dans l’exercice des fonctions) que la loi leur attribue formellement (articles L 123-9 et L 952-2 du Code de l’éducation)

- par la soumission au-delà du raisonnable et du supportable à des logiques et à des critères administratifs et de gestion managériale, dont certains sont incompatibles avec ce qui est inhérent à des activités académiques d’enseignement ou de recherche ; et notamment avec l’aspect individuel de la liberté académique (l’enseignant universitaire doit disposer dans le cadre de ses obligations réglementaires de service d’un minimum de temps de travail consacré à une activité académique qu’il détermine et exerce librement, et des moyens nécessaires à cet effet, sans quoi il ne jouit pas de manière effective de sa liberté académique)


Pour résumer, les pouvoirs publics, au lieu de se comporter en jardiniers bienveillants en charge de mettre en œuvre les conditions d’épanouissement d’un enseignement et d’une recherche universitaires de qualité, et de ne contraindre que dans la mesure compatible avec la nature des activités académiques, se transforment progressivement en bergers utilisant des barbelés, des chiens, des traceurs GPS et en conditionnant l’accès aux ressources à une soumission totale à leur préconisations, pour gérer ce qu’ils considèrent comme un de leur troupeaux d’agents publics (analyse et formulation inspirées d’Alain SUPIOT, ex professeur de droit du travail au collège de France).


Cette mise en danger de la liberté académique concerne même l’ultime rempart de celle-ci sous son aspect individuel, le CNESER disciplinaire, cette juridiction nationale dont les membres sont élus par les pairs universitaires, qui statue au fond en dernier ressort, et qui a pour fonctions :

- de sanctionner les méconduites de certains universitaires lorsqu’il y a lieu de le faire, avec la sanction appropriée

- de faire respecter la liberté académique, soit en sanctionnant les atteintes qu’y ont porté des juridictions universitaires locales, soit en ne faisant pas droit aux appels de présidents d’université qui ne visent qu’à faire sanctionner de légitimes refus de soumission de ceux qui jouissent de la liberté académique

Car les pouvoirs publics ont pour projet de remplacer la moitié des pairs élus par des pairs nommés, dont l’indépendance subjective est donc davantage sujette à caution. Cette réforme est hélas déjà en vigueur pour la juridiction disciplinaire nationale des pairs universitaires hospitalo universitaires. Si elle s’étendait au CNESER disciplinaire, les pairs universitaires élus y deviendraient donc minoritaires, car la loi de transformation publique a déjà désigné un conseiller d’État comme président du CNESER disciplinaire.

En juin 2023 se dérouleront les élections destinées à renouveler la composition du CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur Et de la Recherche), notamment dans le collège A, celui des professeurs universités et assimilés.

Si les élections au CNU et au comité social d’administration ministériel de l’enseignement supérieur et de la recherche ont désigné les représentants du collège A pour ce qui concerne leur avancement et leur statut, les élections au CNESER de juin 2023 vont être décisives pour ce qui concerne :

- la qualité académique des enseignements des différents établissements universitaires, puisque « le CNESER donne son avis sur les questions relatives aux missions confiées aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel [...] ou aux établissements publics de recherche [...]»1 ; « Il est obligatoirement consulté sur » « la stratégie nationale de l'enseignement supérieur et la stratégie nationale de recherche », « les orientations générales des contrats d'établissements pluriannuels », « la répartition des moyens entre les différents établissements » et « les projets de réformes relatives à l'emploi scientifique ».

- la liberté académique sous son aspect individuel, et pas seulement pour l’enseignant qui se retrouve devant le CNESER disciplinaire, mais pour tous ses collègues, car au-delà de ce qui concerne les particularités de chaque affaire, il y a des considérations de principe, qu’elles concernent la déontologie universitaire ou la liberté académique, aussi bien en matière d’enseignement que de recherche.


Il est donc essentiel que les professeurs d’université, qui jouent un rôle primordial en matière de qualité et de liberté académiques (leurs représentants prennent part non seulement aux procédures disciplinaires les concernant, mais aussi à toutes celles qui concernent les maîtres de conférence, les PRAG, les ATER et autres enseignants contractuels universitaires) aient au CNESER au moins un représentant :

- qui n’instrumentalise pas sa présence au CNESER à d’autres fins que la défense de la qualité et de la liberté académiques et que la sanction appropriée des méconduites vraiment graves et prouvées des enseignants universitaires

- qui ne se contente pas d’avaliser les projets de l’administration au prétexte qu’il faut apparaître comme ayant concouru à ses décisions quelles qu’elles soient

- qui ne limite pas les exigences liées à la liberté académique aux seules universités, aux seuls enseignants-chercheurs, voire aux seuls professeurs d’université, car cette conception restrictive préjudicie à la liberté académique des enseignants-chercheurs si des élus d’autres catégories qui siègent avec eux dans différents conseils sont sous l’emprise des présidents d’université. Vouloir faire du grade de fonctionnaire détenu le principal critère de jouissance de la liberté académique au lieu d’en avoir une approche fonctionnelle, c’est en nier la nature et la substance et la faire apparaître comme un privilège au lieu d’une des conditions indispensables à la qualité académique

- qui ne limite pas l’argumentation juridique en faveur de la liberté académique et à l’encontre de tout ce qui y porte atteinte au seul droit national (Constitution et lois), mais mobilise et invoque au CNESER, y compris disciplinaire, tout ce qui dans les traités européens et internationaux et dans les jurisprudences européennes et internationales ont une autorité supérieure à celle de nos lois et permet de faire prévaloir la liberté académique (pour le Conseil d’État, le législateur peut porter atteinte à l’autonomie des universités2, mais pas pour la Cour de Justice de l’Union Européenne, car elle fait partie intégrante de la liberté académique inscrite à l’article 13 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, qui a une autorité supérieure à celle de nos lois nationales)

- qui ne sacrifie ni ne subordonne la défense de la qualité et de la liberté académique à d’autres combats ou intérêts syndicaux, au motif que les enseignants universitaires, notamment les professeurs d’universités, suffisamment privilégiés, devraient attendre que les revendications d’autres catégories soient satisfaites avant que les leurs soient défendues en matière de liberté et de qualité académiques.


L’élection au CNESER, avec 10 sièges à pourvoir dans le collège A des professeurs d’université, au scrutin de liste avec répartition des sièges au plus fort reste, favorise le pluralisme et permet donc à une liste de candidats y défendant pleinement mais seulement la qualité et la liberté académiques, d’y avoir un élu, ce qui n’est pas encore le cas. Avec seulement 5 % des suffrages, une liste peut espérer avoir un élu au CNESER dans le collège A des professeurs d’université et assimilés.


C’est pourquoi s’est créée QLAC (Qualité & Liberté Académiques), une organisation qui a choisi la forme juridique du syndicat, celle qui offre la plus grande palette d’interventions, notamment juridiques, mais circonscrites exclusivement à la défense de la qualité et de la liberté académiques. Et qui a choisi de constituer à cet effet une liste de candidats à l’élection au CNESER de juin 2023 dans le collège A des professeurs d’université et assimilés.


QLAC a pour premier et actuel président Denis ROYNARD, agrégé et docteur en physique, professeur à Centrale Marseille, qui est aussi maître en droit et surtout l’auteur de la première action en justice intentée au niveau européen par un syndicat pour la défense de la liberté académique, à savoir une réclamation adressée au CEDS (Comité Européen des Droits Sociaux).


Cette réclamation n°211/2022, dont le texte intégral est téléchargeable en ligne depuis le site internet du Conseil de l’Europe), a déjà reçu le soutien de la principale ONG internationale en matière de défense de la liberté académique, « Scholar’s at risk », qui a demandé et obtenu de pouvoir intervenir dans la procédure, car elle met en jeu les aspects fondamentaux de la liberté académique, bien au-delà des particularités liées à l’affaire en cause au principal. Il existe même déjà une traduction en anglais de cette réclamation.

Bien que jeune et encore méconnu, QLAC dispose donc déjà de la compétence juridique syndicale la plus développée en France pour être l’avocat de la liberté académique, notamment devant les cours et tribunaux et au CNESER, aussi bien sur le fondement du droit européen et international que du droit national.


Ce savoir-faire dont la liberté académique a besoin au CNESER, est notamment attesté par un professeur de droit qui est un des meilleurs spécialistes de la liberté académique au niveau international, Klaus BEITER, dans le cadre du webinaire (en anglais) organisé par « Magna Charta » le jeudi 16 février 2023 consacré aux racines de la liberté académique, ses valeurs sous-jacentes et les perspectives en matière de liberté académique en tant que droit de l'homme où il est question de la réclamation adressée au CEDS à partir de 1h et 10 minutes, oralement et en bas de la vidéo qui s’affiche).

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir être candidat(e) pour la liste présentée par QLAC (Qualité & Liberté Académiques) pour l’élection au CNESER de juin 2023 dans le collège A des Professeurs d’université et assimilés. En position inéligible par défaut, si vous ne nous manifestez pas votre volonté d’être en position éligible. Si vous le pouvez, merci de recueillir d’autres candidatures que la vôtre parmi les Professeurs d’université et assimilés.

La fiche de Déclaration Individuelle de Candidature (DIC) se trouve en fichier joint. Elle doit être imprimée, complétée et signée à la main, puis envoyée par courrier postal à :

QLAC 8 rue Colbert 06110 Le Cannet


qlac06@gmail.com

https://twitter.com/QL_AC06

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Site internet en cours de construction

Pour recevoir des informations sur les actions de QLAC, veuillez indiquer votre adresse courriel sur https://forms.gle/BuYF6LFtHff9jrMu5

2« Le principe d’autonomie des universités [...] n’a pas […] de valeur constitutionnelle » (considérant n°5 de l’arrêt du Conseil d’État du 23 novembre 2016, requête n° 395652.

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